Thierry Neuville : de 256 € sur son compte en banque à la gloire en WRC
Thierry Neuville se souvient encore très bien de ce moment. Debout à la banque, il jette un œil au solde de son compte : 256 €. Pour la plupart, cela aurait été un rappel à la réalité. Pour lui, c'était le symbole de tout ce qu'il était prêt à risquer pour réaliser son rêve de devenir pilote de rallye.
« Je me souviens très bien du jour où je suis allé à la
banque et où il ne me restait que 256 € sur mon compte », raconte le Belge. «
C'était tout ce qu'il me restait. Je me souviens encore de ma mère qui se
battait contre moi à ce moment-là. Elle me disait que je ne devais pas mettre
tout mon argent dans mes voitures. »
Plus d'une décennie plus tard, la conviction inébranlable de
Thierry Neuville l'a porté au sommet du Championnat du Monde FIA des Rallyes. Sacré
dimanche au Rallye FORUM8 du Japon, il a enfin réalisé le rêve pour lequel il
s’était tant battu au cours d’années de succès et de chagrins, consolidant sa
place parmi les grands du sport.
DÉBUTS MODESTES
Grandissant dans la paisible ville belge de Saint-Vith, Thierry
Neuville n’a pas découvert le sport automobile au volant d’une voiture de
rallye, mais sur le bord des spéciales. Tout près de chez lui, le Rallye du
Condroz-Huy et le Circuit de Spa-Francorchamps ont allumé l’étincelle qui
allait devenir la passion d’une vie.
À six ans seulement, son père Alain lui a remis les clés
d’un quad. Les heures passées à sillonner les champs l’ont aidé à perfectionner
sa coordination et son amour de la vitesse, et son rêve commençait à se
concrétiser lorsqu’il passait aux voitures.
« Nous n’avions pas trop d’argent pour être honnête », se
souvient-il. « Mes deux parents travaillaient et se sont séparés également.
J’étais chez mon père un week-end sur deux, et la semaine chez ma mère qui
travaillait aussi à plein temps pour pouvoir survivre. Mais ils ne m’ont jamais
laissé tomber dans les moments difficiles. »
Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il s’engage sur des rallyes
amateurs avec une Opel Corsa jaune. Passé sur une Ford Fiesta ST, il remportait
le Rallye du Royal Automobile Club de Belgique en 2008, ce qui lui a ouvert la
voie pour piloter une Citroën C2 R2 Max en Citroën Rally Trophy Belux l’année
suivante.
En 2010, il avait déjà fait ses débuts sur la scène
internationale, avec une première victoire en Junior WRC et de beaux résultats en
Intercontinental Rally Challenge avec une S2000.
Sa cote de popularité continuait de grimper en flèche en
2011 avec deux victoires en IRC en Corse et à Sanremo. Ces performances
attiraient l’attention de Citroën, qui ne tardait pas à lui proposer une saison
complète dans son équipe Junior en 2012. Il ne gâchait pas cette chance en terminant
septième du championnat pour s’imposer comme l’un des plus grands espoirs du
rallye.
L’année suivante, Thierry Neuville rejoignait le Qatar
M-Sport World Rally Team. Pour sa deuxième campagne complète seulement en WRC,
il signait quatre podiums pour finir dauphin de Sébastien Ogier. Une ascension
fulgurante, dont le meilleur restait à venir...
L’ÈRE HYUNDAI COMMENCE
La régularité et le rythme remarquables de Thierry Neuville
attirent l’attention de Hyundai Motorsport. Les Coréens, qui préparent leur retour
en 2014 après l’aventure infructueuse du début des années 2000, l’engagent pour
être le leader de l’équipe.
Le partenariat a porté ses premiers fruits la même année,
avec une victoire éclatante au Rallye d’Allemagne, marquant le premier succès de
Thierry Neuville et de Hyundai en WRC. C’était un aperçu de ce qui allait
suivre, même si la route vers de nouveaux succès s’avérait riche en pièges.
L’AGONIE DE LA DEUXIÈME PLACE
Si Thierry Neuville s’était imposé comme l’un des pilotes
les plus réguliers du WRC, le titre suprême semblait toujours lui échapper. À quatre
nouvelles reprises de 2017 à 2020, il terminait deuxième du championnat, frôlant
souvent la gloire avant un ultime et cruel rebondissement.
Son talent était toutefois éclatant, avec des victoires emblématiques au Rallye de
Suède, au Rallye Monte-Carlo, au Tour de Corse et à l’éprouvant Rallye EKO Grèce
Acropole. Pourtant, chaque saison s’achevait avec le Belge manquant de justesse
la couronne alors que ses rivaux Sébastien Ogier et Ott Tänak étaient sacrés.
En 2021, une semaine seulement avant le coup d’envoi de la
saison au Rallye Monte-Carlo, Thierry Neuville annonçait son nouveau copilote
en la personne de son compatriote Martijn Wydaeghe. Malgré un temps de
préparation limité, le partenariat commençait par un podium contre toutes
attentes avant une victoire à domicile à Ypres et un autre succès en Espagne.
2024 : L'ANNÉE DE LA CONSÉCRATION
Cette saison, Thierry Neuville, Martijn Wydaeghe et la
Hyundai i20 N Rally1 HYBRID ont enfin décroché l'or. Leurs victoires au
Monte-Carlo et en Grèce ont mis en évidence leur polyvalence, tandis qu'une
série de six podiums leur a permis de rester fermement aux commandes du
championnat.
Au départ de la finale au Rallye FORUM8 du Japon, Thierry Neuville
n'avait besoin que de six points pour s’assurer le titre. Mais rien n’est
jamais aussi simple en rallye.
Une panne de turbocompresseur l'a fait chuter vendredi au quinzième
rang de l’épreuve. Le Belge est remonté le lendemain, se battant durement pour finir
le samedi au septième rang et conserver ses espoirs.
Puis, dimanche matin, le destin s'en est mêlé. Ott Tänak,
son équipier et dernier rival, est parti à la faute. Après tant d’années à être
passé tout près du titre, Thierry Neuville était enfin champion.
« Nous avons travaillé si longtemps pour cela », a-t-il
déclaré. « Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont accompagnés, qui se sont
battus pour nous et toute l’équipe également. Nous avons été très proches à
plusieurs reprises, nous avons toujours tout donné, mais cette année, nous
avons enfin été récompensés. »